«L’intérêt de l’entreprise prime sur celui de l’investisseur», martèle Benoît Hamon, président d’ESS France. Pour lui, cette économie démocratique et non lucrative offre un modèle radicalement différent. Impossible de spéculer ou de s’enrichir rapidement : dans l’économie sociale et solidaire, c’est le collectif qui l’emporte.
Lors de la première édition de «Parlons éco», une rencontre organisée dans le cadre du projet «Savoirs Éco», porté par Expertise France avec le soutien financier de l’Union européenne, Benoît Hamon, président d’ESS France et figure engagée de la gauche en France, n’a pas caché son attachement à cette forme d’économie.
Contre la logique spéculative
Il a rappelé un chiffre frappant : en France, les coopératives, piliers de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS), génèrent un chiffre d’affaires bien supérieur à celui des startup. L’ESS, bien que partie prenante de l’économie marchande, refuse la logique spéculative. «L’intérêt de l’entreprise prime sur celui de l’investisseur», martèle Hamon. Pour lui, cette économie démocratique et non lucrative offre un modèle radicalement différent. Impossible de spéculer ou de s’enrichir rapidement : dans l’ESS, c’est le collectif qui l’emporte.
Toutefois, ce modèle économique se heurte à d’importants obstacles en Tunisie, comme l’a souligné Lotfi Ben Aissa, chercheur en sciences humaines et spécialiste en ESS. Bien qu’une loi sur l’ESS ait été adoptée, son application reste attendue par les acteurs. «En Tunisie, on ne parle pratiquement plus de cette loi», regrette-t-il. Pourtant, les sociétés communautaires montrent que l’esprit de l’ESS infuse. «Ces entreprises communautaires adoptent 80 % des principes de l’ESS», affirme-t-il, en expliquant que cette nouvelle forme d’entreprise, voulue par l’Etat, fait indéniablement partie de l’écosystème ESS.
La difficulté des financements
Les témoignages ont souvent convergé vers une difficulté récurrente: le financement. Aïda Ben Ammar, directrice de l’association Patrimoine pour l’Économie Solidaire (Apes), a ainsi évoqué les défis auxquels font face des initiatives comme Ftartchi, son entreprise en ESS. Cette structure permet de financer les activités non lucratives de l’association. Mais elle est taxée comme une entreprise classique, un paradoxe pour une économie qui devrait être encouragée. « Beaucoup de gens ne comprennent pas ce qu’est l’ESS», déplore-t-elle. Pour sa part, Rachid Abidi, directeur du «LAB’ESS», résume bien les défis. Avec une ESS qui représente à peine 1 % du PIB tunisien, les obstacles sont multiples : trouver un modèle économique viable, se faire connaître et surtout accéder au financement. « Ce n’est vraiment pas facile», admet-il. Mais il refuse cependant de céder au pessimisme. «En attendant l’application de la loi, nous continuons à avancer». Notons au passage que le projet «Savoirs Éco», lancé en février 2023 avec un financement de 4,5 millions d’euros sur trois ans, a pour mission de soutenir le débat public en Tunisie, en renforçant les capacités d’analyse économique et en favorisant la production et la diffusion de contenus économiques rigoureux.